Le rêve et l'improvisation

Conférence - Performance
Simon Halbedo - Joëlle Valterio

Conscience mentale et création, Archizoom, EPFL, Lausanne, 27 février 2013

L’esprit de l’homme qui rêve se satisfait pleinement de ce qui lui arrive. L’angoissante question de la possibilité ne se pose plus. Tue, vole plus vite, aime tant qu’il te plaira. Et si tu meurs, n’es-tu pas certain de te réveiller d’entre les morts? Laisse-toi conduire, les événements ne souffrent pas que tu les diffères. Tu n’as pas de nom. La facilité de tout est inappréciable.
Manifeste du surréalisme (extrait), André Breton, 1924


Le rêve et l'improvisation

Dans le processus d'élaboration des rêves, une première scène entraîne une multitude de possibilités. Le choix parmi ces possibilités se fait à partir d'une pensée à contrôle relâché, propre au rêve, à la rêverie, à l'anticipation, à la remémoration, à l'imagination. Cette pensée est caractérisée entre autres par un effort mental minimal (la pensée coule librement), une logique floue, un défaut d'inhibition du non-pertinent et de la critique, une excellence de l'imagerie visuelle, de l'invention de séquences d'événements et une originalité des représentations (absence de cloisonnement, fusion de représentations différentes). La pensée puise alors dans les souvenirs et savoirs de l'individu: lieux, personnages, objets sont élaborés à partir d'éléments hétérogènes et une même scène peut puiser ses sources à des contenus de connaissance temporellement ou spatialement distincts.

Pour les psychanalystes, l'artiste qui crée, qui improvise, serait dans une sorte d'état de "rêve éveillé" où il peut voir et entendre le point de vue de l'inconscient et y agir. Les rêves, l'art, les contes et les mythes seraient des portes ouvertes sur l'inconscient. Selon Carl Gustav Jung, il existerait, en plus de l'inconscient personnel, réceptacle des désirs refoulés de l'individu, un inconscient collectif. Cet inconscient collectif serait le réceptacle de thèmes universels (les archétypes), expériences fondamentales de tous les hommes et fondements de l'imaginaire.

Comme l'état de rêve, l'état d'improvisation est un état modifié de conscience, une sorte d'abandon particulier du corps et de l'esprit, que l'on peut atteindre par différentes techniques somatiques (développement de la conscience du corps en mouvement dans l'espace) et cognitives (imagination active). Dans cet état particulier, c'est le corps rêvant qui improvise et s'exprime alors. C'est un état où l'on trouve "une sorte de langage unique à mi-chemin entre le geste et la pensée" (Antonin Artaud, "Le Théâtre de la cruauté", 1932).